ARCHÉOLOGIE - L’archéologie du paysage

ARCHÉOLOGIE - L’archéologie du paysage
ARCHÉOLOGIE - L’archéologie du paysage

L’association de ces deux mots, «archéologie» et «paysage», peut sembler, à première vue, étonnante: le premier évoque l’étude attentive par la fouille d’une surface réduite; le second, à partir des photographies aériennes, de la vision directe, des textes, d’entretiens, etc., l’examen de vastes surfaces actuellement visibles. La prise de conscience de la spécificité d’un thème de recherche nouveau explique cette alliance.

Certains spécialistes des paysages contemporains ont reconnu depuis longtemps, par exemple dans le dessin du parcellaire, des traces historiques plus ou moins anciennes et datables.

De leur côté, les archéologues ont déplacé progressivement le champ de leurs investigations: des sites habités bâtis, ils sont passés à l’étude de l’insertion de ceux-ci dans un «paysage» ou à l’examen des paysages actuels, notamment par la photographie aérienne, pour détecter et recenser leurs sujets d’étude.

C’est par une convergence de cette sorte de spécialistes d’origines variées (pédologues, historiens, géographes, agronomes, botanistes, archéologues...), que s’est définie, dès les années 1930 en Grande-Bretagne, plus récemment dans les divers autres pays d’Europe, comme les pays scandinaves, le Danemark, les Pays-Bas et l’Allemagne, et enfin en France, une «archéologie du paysage».

L’archéologie du paysage a hérité de ses origines intellectuelles un certain nombre de caractéristiques: carrefour interdisciplinaire, c’est aussi une recherche orientée vers la technologie agraire et l’histoire économique et sociale du monde rural; vers l’étude minutieuse de cas bien circonscrits dans l’espace, selon les méthodes des archéologues (fouilles de microreliefs agraires ou de fossés et de talus lors du remembrement) ou des botanistes (détermination des espèces végétales dans une haie), autant que vers l’appréhension de vastes agrosystèmes anciens au travers des paysages actuels.

On peut définir l’archéologie du paysage comme la recherche et l’analyse de la documentation de toutes origines permettant de suivre, depuis la naissance de l’élevage et de l’agriculture au Néolithique et jusqu’à nos jours, la mise en place de l’agrosystème et la régression de l’écosystème. L’information utilisable est naturellement très variable, selon que l’on s’intéresse à l’âge du bronze ou bien à la période qui s’étend du Xe au XIIIe siècle.

L’impact de l’agriculture et de l’élevage

Après la révolution néolithique, c’est-à-dire la naissance de l’élevage et de l’agriculture, se produit une autre «révolution» capitale, car elle continue de marquer profondément les campagnes d’Europe occidentale: l’emprise de l’homme sur la nature par le biais de l’agriculture et de l’élevage est désormais d’une ampleur sans précédent, décisive et définitive dans nos régions. La palynologie notamment enregistre très bien le passage, à cette époque, d’un agrosystème fragile et mal intégré dans un écosystème dominant à un agrosystème dominateur.

Des données botaniques ou technologiques sont d’une importance essentielle dans cette étude: ainsi l’histoire des céréales. Dans les zones de l’Europe septentrionale ou du Nord-Ouest, comme la Scandinavie, le Danemark ou les Pays-Bas, l’importance que prend, à partir de l’époque carolingienne environ, une céréale comme le seigle a des significations diverses mais capitales: à côté des céréales traditionnelles des périodes antérieures, l’orge ou l’avoine ou des variétés anciennes de blé, comme l’engrain (Triticum monococcum ) ou l’amidonnier (Triticum dicoccum ), cela signifie l’apparition d’une céréale aux qualités nutritives différentes, ordinairement semée à l’automne, contrairement aux précédentes qui sont normalement des céréales de printemps; peut être aussi une meilleure adaptation aux conditions climatiques et pédologiques de ces régions. Dans tous les cas, c’est un phénomène très important que l’étude des restes végétaux découverts dans les fouilles, essentiellement les grains eux-mêmes, permet de suivre.

L’apparition de la charrue présente le même intérêt. L’instrument de labour qu’est l’araire se caractérise par une faible action verticale et horizontale dans le sol; il ouvre la terre et écarte symétriquement celle-ci; instrument léger, il peut être tiré par un attelage réduit. La charrue, par contre, et sans entrer dans le détail, d’une part se caractérise par une action verticale dans le sol qu’elle entaille et ouvre plus profondément que l’araire; d’autre part, équipée d’un soc dissymétrique, elle rejette la terre d’un côté, à droite ou à gauche selon les cas. Instrument plus puissant, plus lourd, elle exige un train d’attelage important. L’utilisation de l’un ou de l’autre de ces deux instruments de labour induit des différences profondes, notamment dans le domaine socio-économique: pensons par exemple au problème de l’attelage. Mais les façons culturales qui sont liées à l’un ou l’autre instrument ne sont pas moins essentielles: ordinairement, l’araire est utilisée par des labours croisés mais, dans tous les cas, c’est un instrument léger, avec lequel les manœuvres à l’extrémité des champs sont aisées; au contraire, la charrue, lourde et tractée par un train d’attelage souvent formé de plus de deux couples de bovins, pousse vers une limitation du nombre de demi-tours en fin de raies. La forme la mieux adaptée pour le parcellaire est alors celle des champs laniérés. Nous arrivons directement à des données importantes pour l’archéologie du parcellaire.

La charrue semble apparaître en Europe vers les Ve-VIIe siècles. Mais sa diffusion fut sans doute très lente et très progressive. On peut considérer qu’elle se fait dans les grands bassins sédimentaires français, anglais et allemands, du Xe au XIIe siècle. Son apparition et sa diffusion ne condamnent nullement l’araire: celui-ci n’est pas en soi un instrument «primitif». C’est au contraire celui qui est le mieux adapté à certains types de sols en Afrique du Nord ou dans les zones méridionales de l’Europe ou à certaines opérations: ainsi dans les vignes.

Mais, de la même manière, la charrue est particulièrement adaptée à certains types de sols, ceux lourds, argileux, imperméables souvent, des grands bassins sédimentaires. C’est elle qui a permis lors de la phase de croissance démographique et de défrichements qui caractérise l’Occident des Xe-XIIIe siècles, d’ouvrir largement aux labours d’importantes surfaces nouvelles de cette sorte.

Il serait aisé de multiplier les indications montrant combien la connaissance de la technologie agraire est fondamentale pour l’étude de l’archéologie des paysages.

Cependant, surtout pour les hautes époques, antérieurement aux XIIe-XIIIe siècles, cette discipline peut prétendre apporter avant tout une information originale et souvent capitale pour suivre la mise en place de l’agrosystème dans deux domaines spécifiques: la genèse et la définition des parcellaires.

Par la fouille, mais aussi par d’autres bases documentaires comme la photographie aérienne, les sources écrites, les cartes et plans anciens, l’analyse pédologique, l’étude des flores actuelles ou des restes botaniques découverts par les archéologues, ces deux phénomènes peuvent être suivis plus ou moins systématiquement et précisément d’une région à une autre. Trois grands types d’informations existent:

– la détection des traces fossilisées de labours anciens ou de l’apport aux zones cultivées d’éléments minéraux prélevés hors ou sous les zones labourées; la fouille par grands décapages est ici l’instrument documentaire par excellence;

– le relevé des microreliefs agraires qui peuvent être détectés par la photographie aérienne ou l’observation au sol;

– l’étude du tracé des parcellaires actuels qui ouvre souvent la possibilité de fixer l’époque de son établissement; une grande variété de ressources documentaires, depuis les coupes archéologiques des fossés et talus jusqu’à l’étude des sources écrites, des plans anciens ou l’examen botanique, est alors utilisable.

La régénération pédologique

Certaines zones cultivées de Belgique ou des Pays-Bas ont révélé, grâce à de grands décapages, des traces anciennes d’apport de matières minérales dans les zones labourées. Une technique particulière, appelée es (au pluriel: essen ), du nom employé aux Pays-Bas pour désigner les secteurs ainsi mis en culture, est vraisemblablement un mode de régénération pédologique. Dans ces zones sableuses, la destruction rapide de la couverture forestière originelle à partir du Néolithique entraîne une évolution vers un paysage de lande à bruyère. Cette dernière conduit directement à un phénomène de podzolisation de dégradation des sols humo-ferriques. Le lessivage des sols sableux mis en culture ou utilisés pour l’élevage pendant de longues périodes a pu aussi jouer un rôle. Dans tous les cas, pour régénérer ces sols, on creuse, dans les zones à cultiver, des tranchées parallèles très rapprochées les unes des autres. Elles permettent le prélèvement du sol profond et l’épandage de celui-ci en surface, créant ainsi un sol anthropique plus favorable à la culture. Dans le cas des champs de la région de Westerwolde (province de Groningue, Pays-Bas), on a ainsi une série de tranchées de 9 mètres de longueur sur 50 centimètres de large, disposées parallèlement les unes aux autres à une distance comprise entre 2 et 3 mètres. Il s’agit de champs comme on en rencontre bien d’autres, de la Belgique au Danemark, abandonnés à la fin de l’époque romaine et remis en culture ultérieurement par ce procédé, ici vraisemblablement sous l’influence d’une abbaye de prémontrés établie à proximité.

Cette technique de régénération des sols est connue dans la zone des sols sableux de l’Europe du Nord-Ouest, notamment aux Pays-Bas, en Allemagne du Nord et en Irlande, les exemples les plus anciens semblant être du VIIe siècle. Vers la fin du Moyen Âge, une technique un peu différente apparaît dans les mêmes zones européennes: celle des plaggen . Elle consiste à prélever, en dehors des secteurs labourés, de la terre végétale, des plaques de gazon par exemple, et à la transporter dans la zone cultivée.

Ces techniques de régénération et de maintien des sols cultivés ont des conséquences très importantes pour l’archéologie du paysage: elles ont permis, dans une agriculture incapable de compenser l’usure des sols par des moyens plus classiques (comme le fumier animal), le prélèvement que représente la récolte, de maintenir les zones cultivées; elles ont poussé à la distinction, d’ailleurs fondamentale jusqu’à une date récente dans une large part de l’Europe occidentale, en Bretagne ou en Écosse notamment, entre une zone cultivée et un espace environnant utilisé comme lieu de prélèvement d’éléments végétaux ou minéraux ou comme terrain de pâture pour les bestiaux, mais non comme terre labourée: ce sont l’infield et l’outfield , souvent constitués de landes, des Anglais.

Indirectement, ces techniques de régénération des sols cultivés ont eu une autre influence déterminante sur le paysage: la destruction de l’humus sur les sols sableux de ces secteurs n’a fait, après celle du couvert forestier, qu’accélérer le processus de podzolisation des sols. Dès une époque très reculée, on constate ce phénomène. Dans de nombreuses zones, on a ainsi observé que les tumulus ont été formés de plaques de gazon prélevées en périphérie des secteurs cultivés. Toutes les conditions étaient ainsi réunies pour favoriser soit la podzolisation, soit la constitution de dunes éoliennes qui très tôt, dès l’époque romaine et pendant tout le Moyen Âge, viendront recouvrir des zones cultivées antérieurement. De nombreux exemples de cette sorte sont connus et datés: ainsi pour les champs du village breton de Pen Er Malo (Morbihan) au XIIe siècle, ou ceux du village de Kootwijk (Pays-Bas), à partir du IXe-Xe siècle. Après le Moyen Âge, des techniques de cette sorte restent connues et utilisées, en Bretagne par exemple, sous le nom d’étrempage.

Les microreliefs agraires

Les microreliefs agraires posent souvent des problèmes difficiles d’interprétation. On peut les définir d’une manière très générale comme des déplacements de terre humique dus à des régénérations ou à des façons culturales. Nous en connaissons l’existence pour des raisons exceptionnelles, habituellement parce que des terroirs ainsi utilisés ont été abandonnés à une époque et fossilisés depuis ou utilisés d’une manière non destructive. L’examen de terrain ou la photographie aérienne permettent alors d’observer ces anomalies de surface.

On peut citer quatre types principaux de microreliefs agraires: les champs «celtiques», les «rideaux», les sillons et billons, les crêtes de labour. Leurs époques sinon leurs aires d’utilisation sont assez variables.

Les champs «celtiques» utilisés dans le nord-ouest du continent européen et dans le sud des îles Britanniques, du Ve siècle avant notre ère jusqu’au IIe siècle, sont l’un des exemples les plus anciens de microreliefs agraires. On rencontre ce type de parcellaire un peu dans la même zone sableuse de l’Europe que les essen étudiés précédemment, même si, dans certains cas, des exemples plus méridionaux, dans les Vosges et le Loiret, sont connus actuellement.

Des analyses pédologiques, palynologiques et archéologiques très précises de zones de champs celtiques, notamment aux Pays-Bas, ont montré qu’il s’agissait en fait d’une technique de régénération des sols: au moment où ceux-ci commençaient de s’épuiser, on apportait dans les zones cultivées de l’humus prélevé hors de celles-ci et on accumulait en périphérie la couche superficielle épuisée. On constituait ainsi, à partir d’un parcellaire établi à l’origine sur un sol plat, un paysage de champs de petite taille, de l’ordre d’un quart d’hectare, habituellement formés par des parallèles d’une centaine de mètres ou plus de long, recoupés perpendiculairement par des banquettes moins marquées. La hauteur de ces microreliefs croissait progressivement. La taille des parcelles était naturellement déterminée par la distance à franchir pour accumuler en périphérie la couche superficielle de terre. Comme dans le cas du système de l’étrempage, les champs «celtiques» supposent l’utilisation, en périphérie du secteur cultivé (qui semble avoir occupé ordinairement quelques hectares), d’un secteur où pouvait se pratiquer l’extraction de l’humus.

Dans les trois autres types de microreliefs agraires, «rideaux», billons et sillons, crêtes de labour, nous avons affaire à quelque chose d’assez différent: ici le déplacement du sol n’est pas dû à une technique de régénération, mais à des façons culturales particulières destinées à permettre l’aménagement de la zone labourée.

Dans le cas des «rideaux», il s’agit de l’aménagement à flanc de pente, par déplacement de la terre, de bandes parallèles et allongées, perpendiculaires à l’axe de pendage et permettant de cultiver plus aisément un terrain de cette sorte. On constitue ainsi des lanières superposées en gradins, d’une manière analogue aux zones de terrasses de l’Europe méditerranéenne. Mais, dans ce cas, il n’existe pas de murs entre les champs superposés, simplement un talus de pente plus ou moins marquée et maintenu souvent en place par une haie vive, qui retient par ailleurs les eaux de ruissellement et la terre arable qu’elles entraînent. Il semble que ce type de microrelief agraire, d’origine médiévale, soit lié à l’utilisation de la charrue.

Le labour en billons et en sillons (ridges and furrows des Anglais) permet, par déplacement de la terre lors du labour avec une charrue, d’obtenir, pour l’ensemble de la parcelle cultivée, une succession de bandes parallèles peu larges, entre 1,50 et 10 mètres, bombées dans leur profil transversal. La différence entre le haut, au sommet du billon, et le bas, dans le creux du «sillon», est ordinairement de l’ordre de 0,25 mètre. Il semble que, parmi d’autres raisons, ce mode de labour ait été utilisé afin de favoriser l’écoulement des eaux, ou, dans les zones à sol peu profond, pour accumuler l’humus sur le haut du billon, assurant ainsi la récolte au moins dans une partie de la surface totale labourée.

Quoi qu’il en soit des raisons, nous pouvons dire que ce mode de labour était très courant dans les îles Britanniques au Moyen Âge. Ainsi, à Hen Domen (pays de Galles), un ensemble de sillons et billons a été localisé sous une motte féodale édifiée vers le milieu du XIe siècle. On en trouve aussi des traces en Allemagne du Nord et du Centre ainsi que dans diverses régions françaises à cette époque et ultérieurement.

La détection d’une zone de sillons et billons, quand elle peut être datée, permet d’attester l’emploi de la charrue et de localiser l’utilisation de celle-ci.

L’utilisation des données botaniques

Au contraire des microreliefs agraires (dont les archéologues, essentiellement anglais, ont compris la signification et l’intérêt dès les années trente), l’utilisation des données botaniques est plus récente. Elle remonte au début des années 1970.

Dans un grand nombre de secteurs de l’Europe du Nord-Ouest, de la Bretagne au Schleswig-Holstein, le bocage constitue actuellement le paysage rural habituel. L’histoire de son apparition est l’un des problèmes centraux de l’histoire agraire médiévale. Il semble en effet que l’on puisse considérer que c’est pendant cette période, plus particulièrement à partir des XIIe-XIIIe siècles et ultérieurement, que le bocage se constitue: nombre de sources documentaires, notamment les textes, permettent de saisir alors le passage d’un paysage de champs ouverts, non clos, au bocage. Il en est ainsi tout particulièrement dans les îles Britanniques. Il semble bien par ailleurs que, dans quelques secteurs peu nombreux de l’Europe de l’Ouest, un bocage beaucoup plus ancien se soit constitué: ce serait notamment le cas de la Bretagne.

Les haies ont deux types d’origine: ou bien, et c’est le cas le plus rare, elles sont constituées, au moins pour partie, d’arbustes et d’arbres réservés lors d’un défrichement; ou bien, cas le plus courant, elles ont été plantées. Diverses espèces arbustives, comme l’aubépine, le prunellier, le genêt épineux ou ajonc, sont particulièrement employées à cet effet, notamment en France.

Les haies sont l’objet, du moins dans l’agriculture traditionnelle, d’un minimun d’entretien et d’exploitation. Mais, malgré cela, on peut considérer que, en particulier dans les modes d’exploitation du Moyen Âge, ce sont des milieux plus ou moins abandonnés à eux-mêmes, où notamment sont quasi absentes l’élimination ou l’imposition de certaines espèces végétales après constitution de la haie d’une manière ou d’une autre. Dans ces conditions, une haie, plantée ou de défrichement, quand elle est suffisamment ancienne, constitue une sorte de climax, une association végétale qui se met en place et évolue naturellement sur une longue période. Milieu intermédiaire entre le sous-bois et les champs cultivés, elle est alors le lieu d’un double phénomène: la diffusion d’espèces nouvelles, notamment herbacées, venant d’autres contextes botaniques; la prolifération des espèces végétales, herbacées et arbustives. Sur ces deux phénomènes repose la possibilité de dater, au moins relativement, les haies vives actuelles.

La présence ou l’absence, dans une haie, d’espèces herbacées caractéristiques des sous-bois (anémones, jacinthes, Mercurialis perennis , etc.) sera l’indice soit d’une haie d’origine forestière, soit d’une diffusion botanique à partir d’un sous-bois proche, ce qui (comme la présence de nombreuses espèces différentes, notamment arbustives) est le signe d’une grande ancienneté de la haie, Certains botanistes anglais estiment que le nombre d’espèces arbustives, supérieur à trois dans la longueur type de 30 mètres, est directement en corrélation avec l’ancienneté en siècles de la haie étudiée: ainsi dix ou douze espèces arbustives différentes indiqueraient une haie constituée depuis un millénaire environ.

Diverses vérifications pratiquées dans des terroirs où la datation des haies était établie par des sources écrites ont souvent permis des vérifications remarquables de ces théories. L’un des exemples les plus caractéristiques est celui de Monk’s Wood (Huntingdonshire). Des textes de 1075 et 1147 indiquent que, dès cette époque et jusqu’en 1612, il existait un bois bordé au sud par une haie. Entre 1612 et 1791, à la suite d’un défrichement, la limite sud de ce bois fut repoussée jusqu’à son tracé actuel, la haie étant maintenue en place. Entre 1791 et 1833, deux plans montrent que cette haie fut, dans sa partie centrale, abattue et remplacée par le tracé actuellement visible. Par conséquent, les deux extrémités est et ouest de la haie ont au moins neuf siècles d’existence, tandis que la partie centrale n’existe que depuis cent cinquante ans environ. L’examen botanique à montré la présence de huit à dix espèces arbustives différentes dans les sections anciennes et de seulement trois dans la partie centrale récente. De même, les diverses espèces herbacées caractéristiques des sous-bois se retrouvent uniquement dans les parties anciennes, alors qu’elles sont absentes des sections récentes, sauf dans le point F, à l’intersection de l’ancienne et de la nouvelle haie.

Il est évident que les conditions botaniques, climatiques, pédologiques, variables des diverses zones de l’Europe occidentale exigeront l’adaptation de ces méthodes qui semblent toutefois pouvoir être utilisées hors des îles Britanniques.

Une documentation potentielle permet aux spécialistes de l’archéologie du paysage de prétendre que, dans de nombreux cas, il leur serait possible de suivre les grandes phases chronologiques et les formes, notamment parcellaires, du développement de l’agrosystème. Mais de telles recherches exigent des équipes pluridisciplinaires; elles supposent aussi que les formes actuelles d’utilisation de l’espace ne dégradent ou ne détruisent pas définitivement et systématiquement ces témoignages avant que les spécialistes n’aient eu le temps de les observer et de les interpréter.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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